La voix dans l'équitation

On trouve tout naturel de parler à son chien, pourquoi pas à son cheval ? Tout le monde admire ainsi le berger qui, pour rassembler ses brebis, dresse son chien à travailler à la voix. A l’opposé, le cavalier semble avoir perdu sa langue ! Quel dommage pourtant de se priver de cette aide douce et facile d’emploi, que nous soyons des cavaliers confirmés ou débutants.

Du côté des scientifiques, très peu d’études ont été menées pour contrôler l’aptitude du cheval à relier un terme à la chose (objet, action, etc.) qu’il représente. Seules, Danièle Gossin et Marthe Kiley Worthington se sont intéressées au sujet. Cependant, leurs études sur les possibilités de compréhension de signaux à l’audition du langage humain n’ont été suivies jusqu’ici par aucune autre. De plus, la recherche réalisée par Danièle Gossin se borne à l’étude d’un seul cheval. Beaucoup d’éléments restent donc aujourd’hui encore à démontrer.

On sait depuis Pavlov qu’un animal peut être conditionné à réagir à un son. Les chevaux avec leur oreille fine peuvent se révéler aussi doués que nos chiens de berger dans l’apprentissage des codes vocaux. Les meneurs en attelage en font régulièrement la démonstration. Invisibles pour leurs chevaux à cause des œillères, ils utilisent la voix comme un outil de précision. Mais celle-ci reste quasiment inutilisée dans les clubs, à l’exception du travail en longe et de l’attelage. De plus, la voix est interdite en concours de dressage. Sans doute pour obliger les cavaliers à se concentrer sur les aides tactiles, beaucoup plus difficiles d’emploi… Des gestes, lorsqu’ils sont mal exécutés ou mal dosés, peuvent susciter des réactions démesurées de défense et de contraction chez l’animal. Par exemple, un cheval qui lève la tête pour se substituer à l’action de main trop forte de son cavalier. Rien de tel avec la voix, parce qu’elle ne fait pas peur, qu’elle ne fait pas mal, elle permet au cavalier d’utiliser à bon escient des commandes sans que sa monture subisse les perturbations de ses mauvais gestes. L’un des buts de l’utilisation de la parole est de contribuer ainsi à une bonne relation entre l’animal, celui qui le monte, et aussi celui qui s’en occupe et le soigne au quotidien. On appréciera lorsque le cheval est à l’écurie ou en liberté, de pouvoir communiquer avec lui à distance sans aucune intervention physique.

Récemment, il y a eu beaucoup plus d’enthousiasme sur l’utilisation des signaux visuels pour aider à l’entraînement des chevaux, ce qu’on a appelé souvent l’utilisation du langage corporel. Cela aboutit à former des instructeurs conscients de l’importance de la position du corps. C’est une première étape pour pallier le manque d’informations sur le comportement des chevaux. Le fait qu’ils répondent si vite à ces signaux souligne qu’ils sont très importants, mais ce n’est pas nouveau ! C’était connu et utilisé depuis des siècles par les bons éducateurs de chevaux dans le monde entier. Le résultat, cependant, n’est pas toujours d’un grand secours ! L’utilisation de ce langage corporel n’aurait-elle pas focalisé toute notre attention au détriment de l’utilisation de la voix ?

Par cannelle

En équitation classique, la voix n’est pas considérée comme une aide et son utilisation est même sanctionnée lors d’une compétition. Pourtant, elle est à mon avis l’aide la plus efficace.
Lorsque nous parlons entre nous, nous utilisons le langage. Faire appel aux signes indiens pour communiquer n’est quand même pas la solution la plus simple ! Pourquoi utiliserions-nous la voix avec notre chien et notre chat et pas avec notre cheval ? Des soi-disant scientifiques déclarent que le cheval ne peut pas apprendre des mots à cause de son manque d’intelligence et de ses réactions uniquement instinctives.



Balivernes ! Mes chevaux connaissent de 15 à 30 mots différents et réagissent à ces mots et pas seulement dans une situation répétitive. Ce n’est pas le résultat d’un conditionnement mais bel et bien la compréhension du mot. Exemple : lorsque je monte debout sur mes 2 chevaux en liberté, je n’utilise pas de badines ni de cordes autour du cou, il suffit que je dise « droite » ou « gauche » pour que les 2 chevaux tournent. Ils gèrent eux-mêmes leur vitesse, le cheval extérieur doit aller plus vite que le cheval intérieur, mais ils s’organisent tout seuls. Autre exemple : lorsque je suis au centre de la carrière et que je veux aller sur un bord, je dis simplement le mot « bord » et les chevaux vont directement sur le côté le plus proche. C’est bien la preuve que le cheval réfléchit, la preuve de son intelligence. Le mot indique à mes chevaux ce qu’ils doivent faire et après analyse et compréhension, ils exécutent l’ordre.

Les Anciens, lorsqu’ils travaillaient dans les champs avec leurs chevaux de trait, utilisaient la voix comme aide principale. Il était plus simple de parler au cheval et d’utiliser ses mains pour tenir la charrue. Pourquoi la voix ne fait-elle partie de notre enseignement ? La culture équestre possède une énorme lacune à ce sujet. Même Pat Parelli préfère les gestes à la voix. N’empêche que lorsque vous êtes derrière votre cheval, en attelage ou aux longues rênes … difficile de lui faire des gestes !



En équitation en liberté, la voix est une alliée de taille et fait partie intégrante de cette pratique. Le cheval est capable d’apprendre la langue de son cavalier sans que celui-ci ne s’en aperçoive. De la même manière que quelqu’un, placé dans un pays étranger où personne ne fait d’effort de communication, crée sa traduction. L’écoute régulière de son cavalier habitue le cheval à sa voix, et c’est la base pour instaurer une langue bien codifiée. Les mots doivent être courts, non seulement pour que le cheval les comprenne plus facilement, mais aussi pour que l’ordre soit clair et rapide. Pendant l’apprentissage, il est nécessaire d’utiliser toujours les mêmes mots afin que le cheval ne fasse pas de confusion.

La voix a plusieurs fonctions
La première c’est l’ordre : les mots servent à demander ce que l’on veut obtenir ; plus ils sont courts brefs, plus le cheval connaît leurs sens. Deuxième fonction : pour confirmer, récompenser une bonne réaction, ou corriger une mauvaise action. C’est l’intonation qui est ici importante. Le cheval doit juste comprendre au ton si c’est bien ou mal. La compréhension du mot n’est pas obligatoire. Troisième fonction : c’est pour rassurer l’animal et pour attirer son attention. Le fait de parler sans arrêt rend le cheval attentif et le met à l’écoute de son cavalier. S’il a l’habitude d’écouter, la confi ance qu’il acquiert lui permet de passer par-dessus des événements qui l’effraieraient s’il était seul. L’attention, l’écoute, la confiance sont d’autant plus nécessaires pendant l’évolution du couple en spectacle devant des milliers de spectateurs avec des kilowatts de sonorisation. Dans ce cas, le fait que le cheval ne comprenne pas ce que nous disons n’a pas d’importance, il doit juste se sentir rassuré en nous écoutant. Cet apprentissage des fonctions de la voix doit se faire au quotidien dès que le cheval est proche de son cavalier.

La voix permet de capter l’attention du cheval et développe sa réflexion. Ce qui est primordial pour la conduite en totale liberté.

Jean-Marc Imbert